D'abord, j'appelle cela « protection contre la copie » plutôt que « protection de contenu », parce que le mot contenu est vague. La technologie a pour but de décourager la copie. L'histoire de ce genre de technologies ne date pas d'hier, et commence avec les premiers micro-ordinateurs, mini-ordinateurs, et stations de travail. Ces systèmes ont échoués exceptés dans de très petites niches. L'échec provient pour la plupart de l'opposition active des clients qui ont acheté des produits alternatifs qui ne restreignaient pas la copie.
Il n'y a rien de mal à permettre aux gens d'acheter des produits qui ont pour but la protection de contenus s'ils le désirent. Ce qu'il y a de mal, c'est quand :
Pionner New Media Technologies, qui fabrique pour Apple le graveur de DVD récemment annoncé, dit "Les applications majeures pour le consommateur seront l'édition et le stockage de film personnel et le stockage de photos numériques". Ils oublient prudemment de mentionner "le décalage dans le temps de programme télé, ou l'enregistrement de vidéo internet", parce que les fabricants et les compagnies de distribution sont de mèche pour s'assurer que ces fonctionnalités ne se retrouvent jamais sur le marche. Même si c'est 100% légal de le faire d'après la décision de la cour suprême dite Betamax. Streambox a écrit un programme qui permet d'enregistrer les flux vidéos RealVideo sur un disque dur; Real a intenté un procès contre eux et fait retirer le produit du marché. Selon Nomura Securities, les ventes de graveurs DVD dépasseront celles des magnétoscopes en 2004 ou 2005, et dépasseront aussi les ventes de lecteurs DVD non-enregistreur en 2005 (http://www.kipinet.com/tdb/1000/10tdb04.htm). Donc vers 2010, peu de consommateurs auront accès à un enregistreur qui les autorisent à faire une copie d'un programme télé, ou de le décaler dans le temps, ou de laisser les enfants le regarder à l'arrière de la voiture. Est-ce que quelqu'un fait des commentaires sur la dérive concernant cette notion sociale ? Trouvons-nous cela bien ou mal ? N'avons nous rien a dire à ce sujet ?
Au lieu de ça, les consommateurs devront payer les compagnies de télé ou de cinéma encore et encore pour avoir le privilège de décaler un programme dans le temps ou dans l'espace. Même s'ils ont acheté le film et s'il est stocké chez eux sur leur propre équipement, et s'ils ont assez de bande passante pour y accéder où qu'ils se trouvent. Ce concept est appelé "Paiement à l'utilisation". Il ne peut s'accommoder du principe "Vous avez le droit de faire une copie de ce que vous avez le droit de regarder". Ces compagnies ne peuvent pas éliminer ce droit légalement, parce qu'elles violeraient trop de principes fondamentaux de notre société, donc elles introduisent des limitations dans la technologie pour que vous ne puissiez pas exercer ce droit. En ce faisant, elles violent les fondements sur lesquels une société stable et juste est basée. Mais du moment que la société survit au moins jusqu'à leur mort, elles ne semblent pas se préoccuper de sa stabilité à long-terme.
Il n'y a pas qu'Apple qui trompe le consommateur ; c'est
contagieux. Les enregistreurs portables de mini-disques de Sony sont
fournis avec des prises numériques en entrée, jamais en
sortie. On
enregistre le son mais il sera restitué en format analogique de faible
qualité. Intel vante les merveilles de son TCPA « Trusted Computing
Platform Architecture » [NDT: (lit.) architecture de plateforme de
traitement informatique en qui on peut avoir confiance]. Il faut lire
entre les lignes pour découvrir que son unique but est d'espioner ls
`
Microsoft a délibérément conçu des protocoles incompatibles dans
Windows 2000 pour éviter que des machines Unix concurrentes ne
puissent être utilisées comme serveur DNS dans certain cas. Microsoft
a publié une description fonctionnelle mais uniquement sous forme de
fichier crypté accessible à condition que les lecteurs acceptent de ne
pas utiliser cette information pour les concurrencer. Quand quelqu'un
a décryté le chiffrement simpliste sans accepter les termes du
contrat, Microsoft l'a menacé d'utiliser le DMCA pour poursuivre
Slashdot, le populaire site Web
d'informations sur le logiciel libre
qui a publié le résultat. (Heureusement pour nous, Slashdot a du
répondant et a dit "allez-y, nous nous défendrons" et Microsoft s'est
défilé.) Le copyright ne donne pas le droit d'empêcher la concurrence,
ou de limiter le commerce global -- mais d'une certaine façon les lois
promulguées pour protéger le copyright sont utilisées dans ce but.
Nous devrions nous réjouir de créer collectivement un paradis sur
Terre ! Au lieu de ça, ces âmes tordues qui vivent en entretenant la
pénurie rodent pour convaincre des co-conspirateurs d'aliéner notre
technologie de reproduction bon marché pour qu'elle ne puisse pas
faire des copies -- du moins pour le genre de produits qu'ils
veulent nous vendre. C'est le pire genre de protectionnisme -- brader notre
société pour le compte d'une industrie locale inefficace. Les éditeurs
et distributeurs de films évitent soigneusement de nous faire remarquer
cela, mais c'est ce qui est en train de se passer.
Si avant 2030 nous avons inventé une machine à reproduire la matière
qui soit aussi bon marché que la copie de CD actuelle, allons-nous la
mettre hors-la-loi et la marginaliser ? De façon à ce que les
agriculteurs puissent vivre en maintenant les prix des produits
alimentaires élevés, de façon que les fabricants de meubles puissent
vivre en empêchant les gens d'avoir des lits et des chaises dont la
reproduction coûte un dollar, de façon que les maçons ne soient pas
ruinés du fait qu'une maison confortable peut être reproduite pour
quelques centaines de dollars ? Oui, de tels développements vont
certainement créer des dislocations dans l'économie. Mais devrions
nous les marginaliser et maintenir le monde en état de pauvreté pour
sauver l'emploi de ces personnes ? Et resteront-ils réellement en
marge ou est-ce que les avantages de la technologie fera rapidement
que la "marginalité" dépassera le reste de la société.
Je pense que nous devons entrer dans l'ère de la plénitude et trouver
comment y vivre ensemble. Je pense que nous devrions travailler pour
comprendre comment les gens peuvent vivre en créant de nouvelles
choses et en fournissant de nouveaux services plutôt qu'en limitant la
reproduction de ce qui existe. C'est ce que j'ai fait dix ans durant
en créant une société de support pour les logiciels libres. Cette
société, Cygnus
Solutions, investit plus de 10 millions de dollars par
ans pour écrire des programmes et les rendre librement disponibles, et
laisser n'importe qui les modifier ou les reproduire. Elle fait cela
en récoltant plus de 25 millions de dollars de clients qui profitent
de l'existence de ces logiciels fiables et largement répandus. La
société fait maintenant partie de RedHat Inc -- qui vit en aidant ses
clients à se développer sans limiter la reproduction de son
travail. Ce n'est pas une coïncidence si les communautés du code
source ouvert, du logiciel libre et la communauté Linux sont parmi les
premières à s'inquiéter de la protection de la copie. Elles destinent
activement leur vie et leurs loisirs à éliminer la pénurie et à
augmenter la liberté sur les marchés des systèmes d'exploitation et
des logiciels applicatifs. Elles voient la réelle amélioration qui en
découle dans le monde -- et les hideuses réactions des monopoles et
des oligopoles rendues caduques par de tels efforts.
Transformer le monde entier pour interagir sans pénurie est une
tâche immense. Un revirement économique aussi large prendrait des
décénies à se répandre dans l'économie du monde entier en générant de
nouveaux gagnants et de nouveaux perdants. Nous serons extrêmement
chanceux si vers 2030 nous sommes préparés à en finir avec la pénurie
sans agitation sociale massive, comme des grèves, des troubles
sociaux, et une guère mondiale. Si nous en sommes à trouver un chemin
pacifique vers une ère de plénitude, nous devrions commencer ici et
maintenant, en transformant les industries pour lesquelles nous avons
déjà éliminé la pénurie -- le texte, le son et l'image. Les
entreprises qui ne peuvent pas s'y ajuster devraient disparaître et
être remplacées par celles qui peuvent. Au fur et à mesure que ces
entreprises apprendront à vivre et à se développer sans créer une
pénurie artificielle, elles fourniront des modèles et des compétences
pour d'autres industries, celles qui devront changer quand leur propre
production inefficace sera remplacée par une reproduction efficace
dans dix ou quinze ans. On prétend que protéger la copie par la loi
et se démener avec les cartels industriels peut maintenir nos
structures économiques actuelles, face à un ouragan de changement
technologique positif qui les prends et les fait tournoyer comme
autant de feuilles mortes.
John Gilmore
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Les travaux scientifiques ne peuvent pas être publiés
Ce qu'il y a de mal, c'est quand des scientifiques ne peuvent pas se
pencher ce sujet ou publier leur résultats. Le professeur Ed Felten de
Princeton a étudié quelques détails du système de "signature en
filigrane" de SDMI, au sein d'une étude publique délibérément autorisée
par l'hermétique comité SDMI, de façon à déterminer si le public
pouvait casser leurs méthodes de cryptage. (SDMI n'autoriserait pas
EFF à joindre à ses délibérations sous prétexte que nous n'avons
pas d'intérêt légitimes dans le processus du fait que nous ne sommes
ni un éditeur de musique ni un fabricant. Il n'y a ni consommateur ni
représentant des droits des citoyens dans le consortium SDMI.) Le
professeur Felten racontait dans le New-York Times la semaine dernière
que les gens de SDMI et les avocats de Princeton lui disent qu'il ne
peut pas révéler les détails de ce qui ne marche pas dans ces systèmes
de signature en filigrane à cause du Digital Millenium Copyright
Act. Il n'y a pas de problème pour dire aux compagnies de SDMI à quel
point il est facile de casser leurs méthodes de cryptage, mais on ne
peut pas le révéler au public ou aux autres chercheurs.
La competition n'est plus possible
Ce qu'il y a de mal, c'est quand des concurrents sont dans
l'impossibilité de fabriquer des équipements ou des logiciels
concurrents, ce qui serait en faveur des consommateurs dans un marché
libre. Au lieu de ça, ces équipements sont interdits, font l'objet de
menaces et ces logiciels sont censurés et marginalisés. Tel que le
logiciel libre DeCSS et les logiciels de lecture de DVD LiViD. Tel que
les lecteurs de DVDs de part le monde qui sont capables de lire les
DVDs américains de la "Région 1". L'EFF a dépensé plus d'un million de
dollars l'an dernier pour défendre l'éditeur d'un magazine sur la
sécurité et un adolescent Norvégien, des tentatives de l'industrie
pour les faire censurer et emprisonner, respectivement, pour avoir
publié et écrit un logiciel concurrent qui permet de lire ou copier
les DVDs mais qui ne respecte pas les contrats restrictifs que les
studios de cinéma imposent à la plupart des logiciels de lecture. Les
studios de cinéma on dépensé 4 millions de dollars en poursuites
judiciaires dans le cas de New-York. Peu ou aucun fabricant n'est
autorisé à mettre des enregistreurs de musique numérique sur le marché
-- vous pouvez voir beaucoup de lecteurs MP3 mais où sont les
enregistreurs MP3 stéréo ? Ils ont été réduits à l'inexistence
par la menace de suites pénales. Ceux qui prétendent encore enregistrer,
enregistrent seulement de la "qualité-voix monaurale".
Les monopoles profitent de l'abus de protection par le copyright
Ce qui est mal c'est quand les mécanismes de contrôle établis pour
protéger les droits du copyright sont utilisés dans d'autres buts. Non
pas pour protéger les droits existants, mais pour créer de nouveaux
droits à la fantaisie des détenteurs de copyright. Les compagnies de
cinéma ont insisté pour avoir un système de codage par région pour les
DVDs, parce qu'elles gagneraient moins d'argent si les DVDs étaient
réellement commercialisés dans le monde entier sous les lois actuelles
du libre marché. (Ils ne pourraient pas faire payer cher des billets
de cinéma si le même film était disponible simultanément sur DVDs, et
ils ne pourraient pas combiner les campagnes publicitaires pour les
cinémas et les DVDs s'ils attendaient longtemps entre la sortie en
salle et sur DVD.) Ce système mène à une situation dans laquelle le
consommateur peut acheter un lecteur DVD en toute légalité, acheter un
DVD en toute légalité, et utiliser l'un avec l'autre, sans que cela
fonctionne. L'utilisateur a tous les droits pour voir le film, mais il
ne le peut pas, parce que s'il le pouvait, les compagnies de cinéma
gagneraient moins d'argent. Des mécanismes similaires existent sur les
DVDs pour empêcher les gens de passer les pubs en avance-rapide ou de
sauter ces absurdes "avertissements du FBÏ".
La politique sociale se fait sans la participation du public
Ce qu'il y a de mal, c'est quand la politique sociale se fait dans une
arrière-salle enfumée, entre les cadres des sociétés de musique/cinéma
et d'informatique, pas par débat public, par le corps législatif, ou
par les tribunaux. Le cahier des charges du CPRM, par exemple, permet
au distributeurs d'un paquet de bits (s'il a accès au logiciel qui
offre cette possibilité) de décider que les futurs destinataires
n'auront pas le droit de faire des copies de ce paquet de bits. Ou
deux mais pas trois. On ne peut pas faire respecter cette clause sur
le plan légal, elle n'est pas issue de la loi. Ce que dit la loi est
différent. Mais on fera respecter cette clause grâce au matériel
construit par tous les fabricants d'envergure, parce qu'ils seront
traînés en justice par les sociétés de musique/cinéma s'ils osent
fabriquer des équipements compatibles qui laissent les consommateurs
faire trois copies, ou en faire en étant uniquement limités par
leurs droits légaux. Trouvera-t-on surprenant que ces politiques
d'arrière-salle soit finalement à l'avantage des parties présentes
dans la salle, au détriment des consommateurs et du public ?
On perd les avantages du copyright
Ce qu'il y a de mal c'est quand l'équilibre entre les droits des
créateurs et les droits à la liberté d'expression et de la presse est
rompu. Parce que la moindre extension des droits des créateurs conduit
à une diminution de la liberté d'expression et du droit
d'édition. Chaque fois que la notion de copyright est étendue, le
domaine public se rétrécit. Le droit de critiquer, le droit de
contester à quelqu'un son interprétation de la vérité sont mis à
mal. Le premier amendement [NDT: concernant la liberté d'expression,
de la presse, de religion, etc...] donne un droit quasi-absolu au
public ; la clause sur le copyright le limite pour empêcher la
publication par autrui. Toute extension du droit d'empêcher la
publication diminue le droit de publier. Par exemple, rien de ce qui a
été crée après 1910 n'est entré dans le domaine public, parce qu'avec
les années la notion de copyright s'est accrue. Mais les droits de
reproduction issus des limitations technologiques n'ont pas de date de
péremption. Il n'y a rien dans le cahier des charges du SDMI ou du
CPRM qui ne dise : "Après 2100 vous serez autorisés à copier les films
de 1910".
Les bénéficiaires représentent une part infime de la société
Ce qu'il y a de mal, c'est que un petit doigt de la "protection par
copyright" mène la communication entre êtres-humains par le bout du
nez. Comme l'a fait remarquer Andy Odlyzko
(http://www.dtc.umn.edu/~odlyzko/doc/eworld.html, cf. « Content is
not king » [NDT: Le Contenu n'est pas Roi] et « The history of
communications and its implications for the Internet » [NDT:
l'histoire des communications et ses conséquences pour Internet]), "La
vente annuelle de tickets de cinéma aux États-Unis est bien en dessous
de 10 milliards de dollars. L'industrie du téléphone ramasse au moins
autant d'argent tous les quinze jours!" Triturer la loi et la
technologie de communication et de traitement informatique des hommes
dans le but de protéger les intérêts des détenteurs de copyright,
appauvrit globalement le monde. Même si ça ne violait pas les règles
fondamentales de stabilité à long-terme des sociétés, ce serait une
mauvaise décision sur le plan économique.
La société peut vraiment éliminer la pénurie mais pas comme ça !
Ce qu'il y a de mal c'est que nous avons inventé la technologie pour
supprimer la pénurie, mais nous sommes en train d'y renoncer
délibérément au bénéfice de ceux qui profitent de la pénurie. Nous
avons maintenant les moyens de reproduire n'importe quel type
d'information qui peut être représentée de façon compacte sur un
support numérique. Nous pouvons répliquer cela dans le monde entier,
pour des milliards de personnes, à des coûts très bas, à la porté de
tout un chacun. Nous travaillons dur pour des technologies qui
permettront de reproduire d'autres types de ressources aussi
facilement, y compris des objets réels quelconques ("nanotechnology" ;
cf. http://www.foresight.org). Les progrès des sciences, technologies
et des marchés libres ont mis fin à bon nombre de pénuries. Il y a
cent ans, plus de 99% des américains utilisaient toujours des
toilettes dans le jardin, et un enfant sur dix mourrait dans la petite
enfance. Maintenant même les américains les plus pauvres ont des
voitures, des télévisions, des téléphones, le chauffage, de l'eau
pure, les égouts -- des choses que les millionnaires les plus riches
de 1900 ne pouvaient pas acheter. Ces technologies promettent la fin
des besoins matériels dans un futur proche.
Epilogue
Ceci est peut-être un argumentaire plus long que celui que vous
espériez, Ron, mais comme vous le voyez, je pense qu'il y a beaucoup
de choses qui ne vont pas dans la façon dont les techniques de
protection de la copie sont imposées à un public qui ne se doute de
rien. J'aimerais entendre de votre part un argumentaire similaire. En
étant pendant un instant l'avocat du diable, pourquoi des entreprises
égoïstes sont-elles autorisées à changer l'équilibre des libertés
fondamentales, en mettant en danger la liberté d'expression, les
marchés libres, le progrès scientifique, les droits des consommateurs,
la stabilité de la société, et la fin du besoin de matière et
d'information? Parce que quelqu'un est susceptible de voler une
chanson ? C'est une excuse qui semble plutôt légère. J'attends votre
réponse.
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